- COMMUNIQUÉ - Collections L¹exception française en question Les professionnels des musées de France, soucieux de la protection et de la transmission du patrimoine, prennent position contre la proposition de loi déposée par M. Jean-François Mancel, député de l¹Oise, en octobre 2007. Cette proposition de loi prétend ³établir une réelle liberté de gestion des établissements culturels² en rendant possible la commercialisation de certaines ¦uvres, à travers leur vente ou leur location. Elle remet en question un principe auquel les professionnels des musées, comme les associations d¹amis de musées et la plupart des donateurs, sont très attachés : l¹inaliénabilité des collections publiques. Cette proposition dangereuse entend établir une distinction entre deux catégories de biens constituant les collections de musées de France : les ³Trésors nationaux² qui resteraient inaliénables, et les ³¦uvres libres d¹utilisation², commercialisables. Cette distinction introduit une radicale hiérarchie entre les chefs d¹¦uvres et les ¦uvres jugées sur le moment secondaires. Or l¹histoire des musées démontre la relativité de ces jugements de valeur : le musée d¹Orsay ou le musée du Quai Branly n¹auraient pas vu le jour si l¹on avait au préalable vendu le contenu des réserves du Louvre ou du musée de l¹Homme à l¹époque où ni les peintres ³pompiers², ni les arts premiers ne faisaient recette ! Elle risque par ailleurs de jeter le discrédit sur des pans entiers du patrimoine, historique, archéologique, ethnographique, industriel ou maritime, auquel nos concitoyens sont attachés parce qu¹ils en sont proches. Nous sommes attachés au principe de l¹inaliénabilité des collections parce qu¹il est étroitement lié à une éthique des collections et à une déontologie professionnelle des métiers qui concourent à la gestion, à la conservation et à la valorisation de ces collections. Ce principe qui fonde la conscience d¹un héritage collectif commun est l¹une des motivations qui encouragent des personnes privées à enrichir le patrimoine public, depuis deux siècles, par la générosité de leurs dons ou legs. Peut-on aussi légèrement abuser de leur confiance, et revenir sur des engagements pris depuis des décennies de conserver, étudier et mettre en valeur cet héritage qu¹ils nous ont confié le soin de transmettre aux générations futures ? La richesse des collections publiques françaises est le moteur d¹une politique culturelle que nous envient de nombreux pays, un élément majeur de l¹attractivité culturelle de la France et, indirectement, l¹un des supports d¹une industrie touristique exceptionnellement forte. Ignore-t-on que ce patrimoine s¹est construit au long de deux siècles, et que cette sédimentation a permis à notre pays d¹être doté d¹un réseau de collections publiques qui n¹a guère d¹équivalents ? Les arguments en faveur de la commercialisation de nos collections sont les besoins de financements publics et la charge que représenteraient des réserves encombrées. L¹aliénation des ¦uvres apporterait à court terme les financements dont les institutions culturelles ont besoin pour se développer. C¹est méconnaître que c¹est grâce aux ¦uvres non exposées en permanence que peuvent se monter la plupart des expositions temporaires, que peuvent aussi être prêtées des pièces permettant une coopération fructueuse entre les musées en France comme au plan international. C¹est ignorer que les ¦uvres non exposées font également l¹objet de recherches, d¹études, d¹un travail de documentation et d¹un recueil de savoirs qui permettront demain de les mettre en valeur en les rendant accessibles : les musées ont aussi des fonctions pédagogiques, éducatives, et sociales qui ne relèvent pas de la simple commercialisation de leurs ¦uvres. Reste la question de l¹accroissement mécanique des collections, fruit du soin mis à leur conservation, mais aussi de l¹élargissement, au cours de ces dernières décennies, de la notion de patrimoine culturel. Soucieux de leurs responsabilités, les professionnels se posent depuis quelques années la question d¹une gestion plus dynamique du patrimoine dont ils ont la charge. Le législateur nous a dotés, à travers la loi sur les musées de France, intégrée dans le code du patrimoine, d¹outils permettant le déclassement, le transfert, la circulation des ¦uvres dans les musées de France. Ces outils, jusqu¹ici assez peu utilisés, nous offrent la possibilité d¹agir dans le cadre de la Loi existante. Utilisons avec plus d¹imagination les ressources qu¹elle propose pour mettre en commun, faire circuler, échanger, transmettre les collections publiques. Efforçons nous d¹enrichir les collections avec encore plus de rigueur et de concertation entre institutions, afin d¹éviter les doublons inutiles. Recherchons des solutions pour mieux gérer les collections en réserve, les faire circuler au moyen de dépôts et d¹expositions. Poursuivons la réflexion sur les collections ³d¹étude², qui ne seraient définitivement inscrites sur les inventaires qu¹après un temps de purgatoire permettant un évaluation sereine de leur intérêt. Nous appelons à des assises professionnelles pour en débattre et formuler des propositions en faveur d¹une gestion dynamique et rigoureuse des collections publiques françaises, dans le cadre des principes éthiques et déontologiques qui sont au c¦ur de nos professions, et dont l¹inaliénabilité des collections publiques constitue un principe essentiel. ________________________________________ Dominique Ferriot Présidente du Comité français du Conseil International des Musées (ICOM - France) [log in to unmask] Julie Guiyot-Corteville Présidente de la Fédération des Écomusées et des Musées de Société [log in to unmask] Christophe Vital Président de l¹Association générale des Conservateurs des Collections publiques de France [log in to unmask] ________________________________________ ICOM- France 13 rue Molière 75001 Paris T/F 01 42 61 32 02 [log in to unmask] - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - Change ICOM-L subscription options, unsubscribe, and search the archives at: http://home.ease.lsoft.com/archives/icom-l.html