Quand dans un article de la loi financière ( "finanziaria 2002" ) l'on a
proposé de "offrir à des organismes privés l'entière gestion du service qui
concerne l'exploitation publique des biens culturels ainsi que l'activité
de participation aux travaux engagés dans le but de la mise en valeur" pour
une période non inférieure à cinq ans et en échange d'une importante
contrepartie en argent "incluant l'usage des biens culturels en question et
faisant l'objet de cette concession", je me suis exprimé en tant que
président de l'ICOM Italie en manifestant une grande préoccupation. Je
craignais en effet que cet article ne fut que le premier pas vers la
possibilité de disposer d'un patrimoine commun de la part de n'importe
quelle entreprise, société, personne, association, coopérative, parti
politique ou industrie. Je craignais tout simplement que l'on utilise les
objets d'art, de science et d'histoire à des fins personnelles, que l'on
imprime leurs marques sur les monuments, que l'on modifie et adapte les
expositions, que l'on diminue le nombre des objets exposés dans les salles
pour augmenter l'espace consacré aux ventes de livres et d'objets.
A cette occasion j'ai dit que les musées et les monuments ne peuvent pas
être considérés comme un service public comme on l'entend normalement,
comme l'on considère par exemple les transports ou la santé, utilisés par
les citoyens quand ils en ont la nécessité. J'ai dit alors que pour une
communauté les musées et les monuments sont très importants: ils sont son
âme, son histoire, sa mémoire, ils sont les symboles qui transmettent vie
et vérité, ceux dans lesquels s'incarne l'idée même de nation. Pour une
communauté nationale, les objets qui constituent son patrimoine culturel
sont aussi important que son drapeau; ils s'agit de milliers de drapeaux
dans lesquels se niche l'histoire et l'identité nationale, dont nous
disons vouloir transmettre les valeurs aux générqtions futures. Pour cette
raison, disais-je, les membres d'une communauté ou les citoyens d'une
nation n'arrêtent pas de se servir de leurs biens culturels, même quand il
ne vont pas visiter leurs musées ou leurs monuments: ils s'en servent
quotidiennement, il leur suffit d'être conscient de leur existence.
Je pensais donc que cette proposition de loi permettait de donner en
concession ce qu'il n'est pas possible de céder et gardait pour l'Etat ce
qui, au contraire, pouvait légitimement être cédé: elle permettait en effet
l'usage du patrimoine, c'est à dire son usage commercial, à des privés et
leur donnait aussi du même coup l'usage symbolique et culturel, ce qui
équivaut à renoncer à la mémoire historique , aux sentiments et aux pensées
des citoyens.
A la suite des pressions de l'ICOM Italie et de nombreux directeurs de
musées du monde, le gouvernement italien a, très raisonnablement, accepté
des amendements à la loi et ouvertement accepté l'idée que les musées
italiens doivent respecter, dans leurs buts et leurs fonctions, la
définition de musée adoptée par l'ICOM: "une institution durable, sans buts
lucratifs, au service de la société et de son développement" en incluant
dans la loi une référence explicite à cette définition.
Giovanni Pinna
ICOM Italia
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